TAFTA : Petit rappel urgent sur ce qui se prépare :


Le Lundi 25 avril s'est ouvert à New York le 13e cycle de négociations, qui devrait se terminer en 2016, voire 2017... L'accord devra ensuite être ratifié par les 28 chefs de gouvernements européens, le parlement Européen, ainsi que par les 28 États européens. Le traité de libre-échange entre les États-Unis et l'Union européenne, lancé en 2013, est selon leurs promoteurs, un projet d'accord commercial qui vise à créer la plus grande zone de libre-échange du monde et concernerait 820 millions de consommateurs, représentant près de 50% du PIB mondial. Ce traité réduirait au maximum les droits de douanes afin de faciliter les importations, les exportations et les investissements entre l'Europe et les USA. Cela permettrait également d'harmoniser les réglementations entre l'Europe et les États-Unis dans neuf secteurs précis : l'automobile, les cosmétiques, le textile, les produits pharmaceutiques, les appareils médicaux, les pesticides, les technologies de l'information et de la communication, les produits chimiques et l'ingénierie. Une convergence réglementaire qui éviterait aux entreprises certains surcoûts, dus à des doublons de tests par exemple. Mais les négociations à huit clos et l'opacité dans lesquelles elles se déroulent soulèvent de fortes oppositions à ce TAFTA. 

Négociations du Traité dénoncées pour leur opacité 

Par deux articles précédents j'avais dénoncé l'opacité des négociations du TAFTA, craintes également exprimées et d'ailleurs justifiées par de nombreuses associations, des parlementaires, ainsi que par une Commissaire Européenne qui redoutent un accord imposé en secret. 

Bien qu'il soit maintenant possible à certains Députés de consulter les documents de négociations dans les capitales européennes au lieu de Bruxelles. Pourtant, le procédé éveille quand même les colères à cause d'une surveillance permanente lors de la consultation, impossibilité, par exemple, de rentrer avec un téléphone portable. Comme le souligne la commissaire Européenne au commerce Cécilia MALMSTRÖM « c'est digne d'un film d'espionnage ». Il est formellement interdit de reproduire les documents pour des raisons évidentes de confidentialité... Soyons sérieux, concernant l'espionnage de la commission Européenne et des principaux dirigeants Européens, avec les moyens dont disposent les USA, si on se réfère aux révélations d'Edward SNOWDEN, les Américains sont bien informés des cartes des négociateurs Européens et du coup les raisons de cette opacité d'une négociation à huit clos ne tient pas. 

Autre exemple : en Février 2016, le Député « Les Républicains » Jean-Frédéric POISSON qui avait pu consulter une partie du texte et interpellé le gouvernement à ce sujet lors d'une séance des questions au gouvernement à l'Assemblée nationale déclarait :

« Le refus du moindre débat et l'opacité autour de ce traité sont irrespectueux à l'égard du peuple français et à l'égard de la représentation nationale ».

Et de rajouter :

« La quinzaine de pages rendant compte du dixième round (on en est au onzième) des négociations transatlantiques est consultable uniquement en anglais, dans une salle fermée, en étant escorté par un fonctionnaire de Matignon, en laissant son téléphone à l'entrée, avec des menaces de sanctions pénales en cas de divulgation de leur contenu ».

Des méthodes dignes d'une république bananière, on peut comprendre que des parlementaires français, comme leurs homologues européens, sont indignés par cet accès restreint aux négociations en cours. 

Au cours de son intervention le Député avait également déclaré :

« Ce traité concerne l'avenir des Français et leur quotidien, puisqu'il s'agit de savoir comment les relations commerciales entre l'Amérique du Nord et la France vont évoluer : il touche par exemple à nos médicaments, notre alimentation, nos appellations d'origine contrôlée ou encore la capacité de nos entreprises à entrer dans les marchés publics. Le refus du moindre débat et l'opacité autour de ce traité sont irrespectueux à l'égard du peuple français et à l'égard de la représentation nationale »

 

 

Toujours, selon le député Jean-Frédéric POISSON, cette opacité est « de nature à entretenir le soupçon ». Comment pourrait-il en être autrement ?... 

François HOLLANDE, à l'origine, complice de cette opacité des négociations 

Il faut se rappeler que François HOLLANDE n'hésitait pas au cours d'une visite officielle aux USA début 2014, lors d'une conférence de presse commune avec OBAMA, de déclarer :

« Nous avons tout à gagner à aller vite. Sinon, nous savons bien qu'il y aura une accumulation de peurs, de menaces, de crispations ».

C'est à croire que lorsque François HOLLANDE faisait cette déclaration, il avait à l'esprit la citation de CONDORCET : « Même sous la constitution la plus libre, un peuple ignorant est esclave... » Grâce à l'opacité la plus totale, en misant sur l'ignorance des populations concernant le traité commercial transatlantique (TAFTA) pour éviter qu'elles ne se « cabrent » et pour étouffer la critique qui monte, il trahissait ainsi les Français, mais aussi les Européens et leurs intérêts. Fort heureusement, il y avait des journalistes qui ont relayé cette déclaration, ce qui a permis de réagir, mais surtout d'éveiller notre méfiance sur le contenu de ces discussions à huit clos qui sont un véritable déni de démocratie. 

En jouant le rôle de VRP des négociateurs Américains et des intérêts qu'ils défendent, OBAMA vient en Allemagne faire pression pour accélérer les conclusions de l'accord, et pour cause... 

« Si nous ne terminons pas les négociations cette année, avec les transitions politiques à venir aux États-Unis et en Europe, cela pourrait signifier que cet accord ne sera pas achevé avant un certain temps », ainsi s'exprimait Barack OBAMA lors de la cérémonie d'ouverture du salon industriel de Hanovre où il s'est rendu le 24 Avril. 

Si Barack OBAMA souhaite un accord avant la fin de l'année, c'est que les élections Présidentielles Américaines auront lieu en Novembre 2016 et parmi les trois candidats actuels les mieux placés ou les plus influents : Hillary CLINTON, Bernie SANDERS au parti Démocrate et Donald TRUMP au parti Républicain ne semblent pas pour le moins très enthousiastes par rapport à de tels traités. On connaît l'opposition de Bernie SANDERS à L'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA). Hillary CLINTON s'est dite opposée à l'accord transpacifique (TPP), mais garde le mutisme sur le TAFTA...Ce qui n'a pas empêché la Maison Blanche d'affirmer en juin 2015 que Mme CLINTON partageait les mêmes vues que M. OBAMA sur ce dossier... Ministre des affaires étrangères, n'avait-elle pas participé aux négociations du TPP et vanté ce traité, avant de le contester ?... Le Républicain Donald TRUMP souhaite également s'attaquer à l'accord commercial ALENA. 

Barack OBAMA et la chancelière allemande Angela MERKEL ont beau exhorté les négociateurs à trouver des solutions à ces problèmes pour conclure les négociations d'ici la fin de l'année. Mais là ça risque de coincer si on se réfère a la déclaration ce week-end de Sigmar GABRIEL, Ministre allemand de l'économie : « Hors de question d'accepter un texte qui prône le « achetez américain » ; le ministre français du Commerce extérieur, Matthias FEKL déclare pour sa part « Si tout ça ne bouge pas, il n'y aucune raison de continuer à négocier en faisant semblant », réaffirmant qu' « il n'y a pas, en tout cas au niveau de la France, de volonté d'aboutir à tout prix ». Il est vrai que le quinquennat de François HOLLANDE nous aura habitué à ce qu'un Ministre déclare l'inverse, ou tienne des propos différents de celui du Président de la République, qui lui voulait accélérer les négociation pour obtenir un accord le plus rapidement possible... 

D'ailleurs en se rendant en Allemagne pour « forcer la main » de la Chancelière, s'il a ignoré la France, OBAMA savait que le Président Français se plierait à ses désidératas et ne lui poserait pas de problème. 

TAFTA un marché de dupes pour les Européens 

Les partisans du TAFTA clament que cela créerait la plus importante zone de libre-échange de l'histoire, couvrant près de 50 % du PIB mondial, et un marché de 850 millions de consommateurs, faciliterait les échanges et l'accès aux marchés de part et d'autre de l'Atlantique, réduirait les barrières réglementaires qui empêchent l'Europe et les États-Unis de s'échanger tous leurs produits et services, ainsi que les coûts des marchandises échangées, doperait la croissance économique ( comme si elle était encore possible) avec 2 millions d'emplois en plus et 119 milliards d'euros de gains pour l'UE d'ici 2027... Au final, ce qui est légitimement redouté c'est un marché de dupes pour les Européens, dont la France est l'un des maillons faibles... 

Par contre pour les opposants, outre le manque total de transparence et une grande opacité, les textes des négociations ne sont réservés qu'à quelques Députés, selon le Ministre Allemand de l'économie qui lui a accès aux textes des négociations :

« c'est un accord trop avantageux pour les États-Unis, dont il convient également de souligner la création d'une justice parallèle, avec des tribunaux arbitraux qui permettrait aux entreprises d'attaquer des États, mais pas l'inverse ».

Avec le « détricotage » de la réglementation européenne, plus stricte qu'aux États-Unis, les inquiétudes sont nombreuses dans le domaine de l'agroalimentaire. Par exemple, les marchandises Européennes labellisées AOP ou IGP pourront être produites n'importe où, et la viande issue d'animaux élevés aux hormones aux États-Unis, de la volaille chlorée ou des porcs à la Ractopamine pourra être commercialisée en Europe, ce qui signifie des destructions d'emplois et fragilisation de secteurs déjà instables. 

Céder sur le poulet chloré en échange de contreparties ou y être contraint par un tribunal arbitral ?... 

Le nettoyage du poulet au chlore est actuellement formellement interdit dans l'UE. Après avoir un temps envisagé de céder sur les poulets lavés au chlore, cela ne semble plus pour l'instant retenu...Mais la création d'un tribunal arbitral supranational qui trancherait les litiges entre les États et les multinationales est prévu dans le traité transatlantique. En clair, si le traité transatlantique était signé, les producteurs Américains de poulet pourraient tout à fait décider d'attaquer la France si celle-ci persistait à interdire la vente de leurs volailles, au nom de la concurrence. Et si le tribunal jugeait la requête fondée, la France pourrait être obligée de se plier à sa décision... Avec en plus une forte amende... Très fréquent aux États-Unis, justifié pour éradiquer les salmonelles, certains n'hésitant pas, y compris en Europe, à prétendre que cela protègerait même contre le virus de la grippe aviaire H1N1 !... Et que ça ne poserait dès lors aucun problème si c'était indiqué sur l'étiquetage !... Problème, quand on n'a pas beaucoup d'argent et qu'il faut faire les courses pour manger, la seule étiquette qu'on regarde, c'est celle du prix. Mais de plus, avoir envisagé en cours de négociation que l'on pourrait céder sur tel ou tel point, affaiblit encore plus les négociateurs de l'Europe face à leurs homologues des USA. 

Bœuf aux hormones et filière porcine 

Les normes européennes permettent actuellement des pratiques scandaleuses en matière d'alimentation : conditions de vie des animaux dans les élevages, excès d'antibiotique dans les aliments pour le bétail, pollution de l'eau potable par les engrais... La liste est longue. Alors qu'il faudrait pouvoir interdire ces pratiques, cette possibilité est exclue des négociations du TAFTA, dont l'objectif est, rappelons-le, par plus de libéralisme économique, de réduire les entraves au commerce et les coûts. Certes le marché européen restera fermé au bœuf aux hormones Américain. Mais au-delà des promesses à court terme, le simple maintien de cette interdiction ne résistera pas très longtemps face aux standards américains imposés par les multinationales, y compris, grâce aux recours à la justice privée par tribunal arbitral. 

Sur la question des OGM 

Alors qu'aux États-Unis un État sur deux envisage de rendre obligatoire un label indiquant la présence d'organismes génétiquement modifiés dans un aliment, une mesure souhaitée par 80 % des consommateurs du pays. Les industriels de l'agroalimentaire, là comme en Europe, poussent à l'interdiction de ce type d'étiquetage. L'Association nationale des confiseurs n'y est pas allée par quatre chemins : « L'industrie américaine voudrait que l'APT avance sur cette question en supprimant la labellisation OGM et les normes de traçabilité. » 

La très influente Association de l'industrie biotechnologique (Biotechnology Industry Organization), dont fait partie le géant MONSANTO, s'indigne pour sa part que des produits contenant des OGM et vendus aux États-Unis puissent essuyer un refus sur le marché européen. Elle souhaite par conséquent que le « gouffre qui se creuse entre la dérégulation des nouveaux produits biotechnologiques aux États-Unis et leur accueil en Europe » soit prestement comblé. MONSANTO et consorts ne cachent pas leur espoir que la zone de libre-échange transatlantique permette d'imposer enfin aux Européens leur « catalogue foisonnant de produits OGM en attente d'approbation et d'utilisation ». 

Une Justice privée d'exception au service des Multinationales 

« Quant au moyen de régler des différends entre une entreprise américaine et un État européen, un sujet très sensible de ce côté de l'Atlantique, il sera abordé ultérieurement ». déclarait la commissaire Européen au commerce Cecilia MALMSTRÖM.

Le TAFTA doit effectivement valider une Justice privée d'exception au service des Multinationales. Sous un tel régime, les entreprises seraient en mesure de contrecarrer les politiques de santé, de protection de l'environnement ou de régulation de la finance mises en place dans tel ou tel pays en lui réclamant des dommages et intérêts devant des tribunaux extrajudiciaires. Composées de trois avocats d'affaires, ces cours spéciales répondant aux lois de la Banque mondiale et de l'Organisation des Nations unies (ONU) seraient habilitées à condamner le contribuable à de lourdes réparations dès lors que sa législation rognerait sur les « futurs profits espérés » d'une société. INADMISSIBLE !

Croissance démographique aux USA et dans l'UE, et pertes considérables des terres arables, conséquences de ces problématiques exclues du TAFTA 

- Évolution démographique des USA : 

En 1974, la population des États-Unis était de 214 millions d'habitants, en 2014 elle est de 319 millions, soit en 40 ans une progression de 105 millions d'habitants. 

-Évolution démographique de l'UE : 

En 2014, la population des 28 pays de l'union Européenne est de 507 millions d'habitants, elle était environ de 430 millions en 1974. Avec près de 60 millions de plus la progression de la population est nettement inférieure dans l'UE qu'aux USA. La situation risque toutefois de s'aggraver à terme avec l'afflux des migrants et une éventuelle entrée de la Turquie, bien que très controversée. ... 

Pendant cette période (40 ans) L'érosion et la pollution ont causé la perte d'un tiers de la surface agricole utile mondiales (SAU). 

- Superficie Agricole Utile (SAU) : 

La superficie agricole utile (SAU) comprend : les terres arables (grande culture, cultures maraîchères, fourragères, prairies artificielles), les surfaces toujours en herbes (prairies permanentes, alpages), les jardins familiaux, les cultures dites pérennes (vignes vergers). Les bois et forêts en sont exclus. La superficie de l'Union Européenne actuelle est de 4 382 629 km2, dont la surface agricole utile (SAU) est de 40%, soit 1 753 052 km2. Une nouvelle perte d'un tiers de cette surface représenterait 584 351 km2. 

La superficie des USA est de 9 857 000 km2. La surface agricole utile(SAU) est d'environ 38%, soit 3 710 000 km2. Une nouvelle perte d'un tiers de cette surface représenterait 1 236 667 km2.

Une étude du Centre Grantham pour des futurs durables, de l'université de Sheffield, présentée pendant la conférence sur le climat à Paris, analyse des recherches publiées sur 10 ans. Elle révèle que le rythme de l'érosion est 100 fois plus élevé que celui du sol à se reformer (500 ans environ pour 2,5 centimètres d'épaisseur de terre fertile dans des conditions écologiques stables) et qu'il est près d'être irréversible, sauf à opérer des changements radicaux dans les méthodes agricoles.

Au rythme actuel d'une progression annuelle de 1 500 000 habitants par an dans l'Union Européenne (60 millions en 40 ans) et de 2 625 000 aux USA (105 millions en 40 ans) qu'il faut nourrir, ne pas intégrer ces problématiques dans les négociations du TAFTA et son impact écologique est proprement suicidaire. 

Pour conclure 

Si pour la santé il est important de réduire sa consommation de viande, Le TAFTA, à terme, c'est la suppression rapide de centaines de milliers d'exploitations agricoles au niveau de l'UE. Elles seront remplacées par des « fermes usines et la FNSEA qui soutient ces projets en France pourra toujours inviter ses agriculteurs à manifester violemment pour le prix du lait ou de la viande, mais il n'y aura plus d'agriculteurs... Ces agriculteurs qui font de l'intensif et noient leurs champs de pesticides, on ne va pas les regretter, sauf que la consommation de viande risque de ne pas diminuer pour autant, car à très bas prix sur le marché, la publicité faisant le reste.

Les élevages actuels, compensés par des structures concentrationnaires de milles vaches ou beaucoup plus, dans lesquelles les bovins ne connaitront jamais le bonheur des prés, auront des coûts de fonctionnement très faibles. Ces pauvres animaux seront toujours et encore plus dopés aux antibiotiques, aux hormones et nourris aux OGM par les bons soins de MONSANTO. Ce type concentrationnaire d'élevage sera également vrai pour les autres animaux (poulets, moutons, porcs).

Il est urgent de STOPPER définitivement les négociations du TAFTA et de repenser totalement le mode de production agricole, ainsi que la problématique démographique.


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